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En Allemagne, les Verts menacent de bloquer le plan de Merz pour la défense

BERLIN — Le plan de dépenses historique de Friedrich Merz pour l’Allemagne repose sur la coopération d’un parti que nombre de conservateurs ont souvent tourné en dérision.

Ce sont les Verts — arrivés en quatrième position lors des élections du 23 février — qui ont le pouvoir de contrecarrer les grands projets de celui dont l’alliance conservatrice est arrivée en tête des élections. Le parti semble vouloir soit arrêter Merz, ce qui serait un acte de vengeance politique stupéfiant, soit, ce qui est plus probable, utiliser ce nouveau levier inattendu pour le forcer à accepter bon nombre de mesures portées par les Verts contre lesquelles il s’est longtemps opposé.

Lundi, les dirigeants des Verts se sont engagés à rejeter l’accord conclu entre l’alliance CDU-CSU de Merz et le Parti social-démocrate (SPD) visant à débloquer potentiellement 1 000 milliards d’euros de dépenses nouvelles pour soutenir l’armée et investir massivement dans l’économie.

Si Merz et le SPD “pensent qu’en raison de la menace sécuritaire posée par [Vladimir] Poutine au Kremlin — et, honnêtement, aussi par Donald Trump à la Maison-Blanche — nous devrons simplement suivre, alors nous le rejetons catégoriquement”, a déclaré l’un des dirigeants des Verts, Felix Banaszak, lundi à Berlin.

Si le parti mettait ses menaces sur le plan de Merz à exécution, cette décision marquerait une défaite cuisante pour le futur chancelier, quelques jours à peine après avoir annoncé un changement radical de la politique allemande, en finançant des dépenses par la dette, après de nombreuses années d’austérité auto-imposée. Plus concrètement, Merz et le SPD souhaitent exempter les dépenses de défense du frein constitutionnel à l’endettement, assouplir les règles d’emprunt pour les 16 Etats fédérés du pays et créer un fonds d’infrastructure de 500 milliards d’euros.

Le sentiment d’urgence qui anime Merz s’explique par le fait qu’il ne dispose que de deux semaines pour faire adopter le paquet de mesures par le Parlement actuel. S’il échoue, il lui sera encore plus difficile d’obtenir les voix dont il a besoin. Lorsque les nouveaux élus du Bundestag se réuniront le 25 mars au plus tard, le parti d’extrême droite pro-Kremlin Alternative pour l’Allemagne (AfD) et celui de gauche Die Linke, qui s’oppose aux dépenses militaires, auront le pouvoir de bloquer le plan de dépenses.

Cela signifie que Merz dépend désormais des Verts, un parti qu’il a souvent dénigré avant les élections, s’engageant un jour à mener des politiques “pour la majorité de la population — ceux qui pensent rationnellement et qui ont toutes leurs cartes en main — et non pour quelques tarés d’écolos et de gauchistes”.

Les Verts ne sont pas particulièrement désireux de faciliter la tâche de Merz.

Les demandes des Verts

Les Verts demandent notamment que le fonds d’infrastructure prévu par Merz soit utilisé pour des investissements visant à accélérer la transition énergétique en Allemagne, même si, avant l’élection, le leader des chrétiens-démocrates a promis de sortir les politiques climatiques de la liste des priorités. Ils souhaitent également une définition plus large des dépenses de défense qui pourraient être exemptées des contraintes du frein à l’endettement, en incluant l’aide militaire à l’Ukraine.

Au lieu de soutenir le projet de réforme du frein à l’endettement de Merz, les Verts ont conçu leur propre projet de loi. Vu par POLITICO, le texte propose que les dépenses de défense et de sécurité supérieures à 1,5% du PIB en soient exemptées. Alors que le plan de Merz prévoit que ce soit les dépenses supérieures à 1% du PIB, le projet des Verts considère les moyens de la défense comme un domaine beaucoup plus large, constituant également les coûts des services de renseignement, de l’aide étrangère et de la lutte contre les cybermenaces.

Les dirigeants des Verts à Berlin ont également critiqué l’accord entre l’alliance conservatrice et le SPD, estimant qu’il manquait de sérieux et de “vraies” propositions d’investissement.

“Qui aurait pensé que nous, en tant que Verts, aurions un jour à nous opposer à une proposition qui utilise la dette non pas pour investir, mais pour créer des marges de manœuvre budgétaires pour d’autres projets qui n’ont rien à voir avec l’avenir”, a ironisé Banaszak, coprésident du parti.

“Qui aurait pensé que nous, en tant que Verts, aurions un jour à nous opposer à une proposition qui utilise la dette non pas pour investir, mais pour créer des marges de manœuvre budgétaires pour d’autres projets qui n’ont rien à voir avec l’avenir”, a ironisé Banaszak, coprésident du parti. | Ralf Hirschberger/AFP via Getty Images

D’autres leaders des Verts se sont fait l’écho de cette critique.

“Quiconque souhaite que nous acceptions davantage d’investissements doit également montrer qu’il s’agit réellement de plus d’investissements dans la protection du climat et dans l’économie de ce pays”, a plaidé Katharina Dröge, coprésidente du groupe parlementaire des Verts.

“La responsabilité de ce qui n’arrivera pas”

En coulisses, la plupart des griefs des Verts à l’égard de Merz et du SPD sont d’ordre personnel. Alors que les conservateurs et les sociaux-démocrates mènent des discussions intenses sur l’avenir de leur probable coalition gouvernementale, de nombreux responsables des Verts sont frustrés d’avoir été, jusqu’à présent, tenus à l’écart des négociations sur l’accord de dépenses massives. Ils estiment que le plan de Merz leur a été présenté comme un fait accompli, selon plusieurs personnes au sein du parti.

Si le rejet massif du plan de Merz par les Verts, lundi, a semblé prendre de court de nombreux dirigeants des partis conservateurs et SPD, ces derniers se sont néanmoins montrés optimistes quant à la possibilité de parvenir à un accord avec les Verts dans les jours à venir. Les chefs des parlementaires des Verts devaient rencontrer Merz et Lars Klingbeil, codirigeant du SPD, lundi soir, pour tenter de définir les grandes lignes d’un accord.

“La priorité absolue pour moi et Friedrich Merz dans les jours à venir est que nous parvenions à quelque chose ensemble et je ne perds pas confiance en notre capacité à réussir”, a déclaré Klingbeil à la presse lundi.

L’accord de Merz avec le SPD étant constitué de trois amendements constitutionnels distincts — et donc de trois votes distincts —, il est possible que seule une partie soit finalement adoptée par le Parlement. C’est ce que les conservateurs et les sociaux-démocrates veulent éviter.

En fin de compte, la promesse d’investissements massifs dans la défense et les infrastructures — des mesures que les Verts réclament depuis longtemps — pourrait bien s’avérer trop attrayante pour que les Verts rejettent purement et simplement le plan.

Alors qu’ils utilisent leur influence pour forcer Merz à faire des concessions, les parlementaires conservateurs font également pression sur eux, arguant que l’absence d’action immédiate nuirait à l’Allemagne à l’un des moments les plus sensibles de son histoire depuis l’après-guerre, alors que les relations transatlantiques sont au plus mal et que les forces russes gagnent peu à peu du terrain en Ukraine.

“Quiconque envisage de ne pas donner son accord porte également la responsabilité de ce qui ne se produira pas”, juge Thomas Silberhorn, un député CSU, à POLITICO. “Nous attendons clairement des Verts qu’ils assument leur responsabilité politique pour la sécurité de notre pays, même s’ils entrent dans l’opposition.”

Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.

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